L'Algérie
de Jacky
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La 202 à Zéralda
Le delco... et Poumette
Le chaos s'installe
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En guise d'épilogue
 
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Le delco... et Poumette

 

Je rappelle que Papa, en Décembre 1960, avait fini par se séparer de notre célèbre Peugeot 202 pour acquérir, avec ses "gratifications de fin d'année", une Simca aronde "gris perle" (c'est maman qui avait choisi la couleur), flambant neuve...

Encouragé par cette initiative, et surtout par les recettes de son magasin de la rue Sadi Carnot qui avaient décollé cette année là, Tonton Edouard s'était lancé dans une acquisition strictement identique: seule la couleur différait, sa Simca à lui était bleu clair.

Et voilà nos deux véhicules étincelants, garés côte à côte dans la forêt de Sidi Ferruch, un dimanche après-midi de tiède hiver algérois, sous le regard heureux et satisfait de leurs deux propriétaires.

 

 

 

 

 

 

 

Soudain une réflexion d'Edouard se mit à rompre ce silence contemplatif :

"Tu sais que mon vendeur m'a confié un truc contre le vol de ce type de voiture !"
"Ah oui dit papa , mais ça m'intéresse !"
"Le delco dans ces voitures est placé dans un endroit très accessible et il suffit de le débrancher lors d'un stationnement prolongé."

Et voilà nos deux capots soulevés côte à côte ce Dimanche, sous le coup de 18 h, à la nuit tombante, en cet après-midi de tiède hiver algérois....

On repère vite les fameux Delco en haut à gauche des deux moteurs strictement identiques et pour cause, mais c'est Papa qui, toujours le plus impulsif, se risque le premier à l'opération de déconnexion.

Mais quel est donc ce mauvais esprit qui a poussé notre Père à cet acte irréfléchi ?


Un delco

"C'est ultra facile" dit-il , brandissant le fameux delco d'une main victorieuse.
"On va voir si c'est aussi facile de le rebrancher..........."

Il est plus de 20 heures, la nuit d'hiver un peu moins tiède est tombée depuis fort longtemps, les hommes s'affairent autour du capot grâce à une lampe électrique rescapée de la 202, après une longue expérience de pannes souvent nocturnes. Les femmes se sont regroupées avec Pepop évidemment, comme par instinct de survie, dans le véhicule bleu toujours en état de fonctionner, fort heureusement.

"Et si on rentrait en laissant la voiture", se risqua Maman, "personne ne pourra la voler dans l'état où elle se trouve"?

"Une voiture toute neuve, tu n'y penses pas, rentrez si vous voulez, moi je resterai dormir à l'intérieur"!

21 h, le couvre-feu est tombé.....
21h 30, plusieurs phares à l'horizon sur la route....
Un convoi de bérets verts en route pour Zéralda, (le 1er REP vers son cantonnement)...

Quatre hommes sautent du premier camion, pistolets mitailleurs au poing.
Explication....réparation.....saufs conduits aux conducteurs pour pouvoir rentrer...

Papa jura au Capitaine que jamais plus il ne toucherait au delco.....

Quelques mois plus tard la Simca Aronde P60 gris perle disparaissait au "Champ de Manoeuvre" volée en vue de quelqu'obscur attentat......

Pour moi, prenez ça comme vous voulez, j'ai toujours pensé que Papa, par l'entremise de Tonton Edouard, avait été saisi d'une espèce de démon vengeur qui l'avait fait commettre un acte irrémédiable dont le buit visé était de nous laisser tous là en pleine fôret, la nuit, dans l'angoisse et sans espoir. Rappelez-vous la 202, malgré toutes ses facéties et ses pannes, jamais elle nous aura laissé en plan comme ça au bord de la route!

C'est clair, l'acte était signé, j'en aurais mis ma main au feu !

 

Un chat dans le moteur...

 

Prenez-moi pour un fou, c'est comme vous voudrez, mais je ne peux m'empêher de penser que l'histoire qui va suivre n'est autre qu'un nouvel épisode d'une vengeance encore inassouvie de notre ex-Caroline...

Voilà Papa revenant du bureau le soir, avec tout le plaisir qu'on peut éprouver en faisant ronronner sa voiture flambant neuf, un moteur P 60 Rush avait dit le vendeur..."Vous verrez, un vrai tigre !"

Ce soir là, en guise de tigre et de feulement, ce furent des miaulements aigus et répétés en continu que Papa sut saisir venir du moteur...

Arrêté à la 1ère station service venue, moteur éteint, sillence absolu !
On remet le moteur en marche, aussitôt les miaulements reprennent.

"Vous avez un chat qui est coincé quelque part, et si jamais il se prend dans le ventilateur, j'vous dis pas les dégâts !" Affirma le pompiste... Et voilà nos deux hommes, lampes à la main, en train de fouiller tous les recoins du moteur de la Simca, essayant de mettre la main sur ce maudit chat, ce qui leur prit une bonne demi-heure entrecoupée par des clients franchement innoportuns...

Mais quel est donc cet esprit malin qui a poussé ce chaton à quitter sa mère, pour aller escalader la roue d'un véhicule garé là et pas n'importe lequel s'il vous plaît, et enfin se cacher à l'intérieur du moteur, dans l'attente que son propriétaire se mette en quête de le récupérer ! Vous peut-être non, mais moi ; j'ai la réponse...

Voici donc Papa arrivé à la maison, un sachet de papier à la main, d'où il se mit à extraire une boule de graisse de voiture apparemment vivante, puisqu'elle se mit à bouger et se faire entendre doucement. Là-dessus, il fila à la salle de bain plonger la dite boule dans un bain de lessive, pour un récurage digne de ce nom. Si la pauvre bête en réchappa, c'est qu'elle avait la vie dure...

Surprise, la boule était devenue une minuscule touffe de poils fauve, avec des yeux bleus perdus d'effroi, tremblante de peur ou peut-être à cause du bain...Pipop la surnomma aussitôt Poumette, j'ai oublié de vous dire quil s'agissait d'une femelle, mais nous on préféra Brigitte, c'était un prénom à la mode, venu directement d'une autre Madrague, plus lointaine celle-là.


Poumette - Brigitte

On lui donna une tasse de lait chaud qu'elle avala d'un trait tant elle était affamée, puis on la fit dormir dans une boîte à chaussures capitonnée de chiffons.

Je m'attachais rapidement à elle et ce fut réciproque.

Malheureusement elle se montra inéducable sur le plan de l'hygiène, malgré toutes les directives que l'on ait pu prendre pour l'amener à sa caisse de sciure... Néanmoins j'étais content de m'être trouvé un animal de compagnie. Comme tous les chats, elle adorait jouer avec tout ce qu'elle trouvait, mais elle aimait par dessus tout se fourrer près de moi, tout en ronronnements. Au réveil elle me grimpait sur le dos, et quand je travaillais à mon burau, elle se lovait dans un chapeau que je laissais à dessein tout près de mes cahiers.

J'arrête pour l'instant avec ces communes histoires de chat, pour nous faire concentrer sur ce chapeau dont je viens de vous parler. Figurez-vous que ce fameux chapeau avait auparavant servi à Ticharles, lorsqu'il se lançait dans un de ses tours de chants restés célèbres dans toute la famille. Quant spécialement on recevait du monde, il s'affublait alors de cet objet fétiche, montait debout sur une chaise de la salle à manger, et il adorait se mettre à chanter: "j'me suis acheté un beau chapeau..." Sacha Distel en personne ! Après les applaudissements attendus, il bifurquait sur "l'oiseau bleu", en refaisant tour à tour les voix de l'enfant puis du Monsieur : "Dis Monsieur, bon Monsieur, est-ce que la terre est ronde ?... etc...etc...

Mais alors attention ! Si jamais vous aviez esquissé un petit rire, ou pire si le fou-rire vous prenait, gare à la casse, et là Eddie Constantine redevenait Lemmie Caution avec coups de poings, coup de pieds, pour se cloîtrer ensuite pour des heures dans sa chambre....Ainsi se terminaient souvent les célèbres tours de chants de Ticharles !

Revenons maintenant à la bien-aimée Poumette-Brigitte, dont l'idylle ne dépassa pas trois mois hélas.

Excédée de ramasser des crottes et du pipi, Maman la mit un beau jour dans un panier et la descendit pour la proposer à la charcutière de la rue Eugène-Robe sous les arcades, qui l'adopta aussitôt, vous dire la beauté de cet animal, bien que Maman répétât sans arrêt que c'était juste un chat de gouttière, kabyle de surcroît, qui serait toujours indomptable, et tout et tout ...

On aurait dit presque qu'elle parlait d'une belle-fille !

Moi j'en fis toute une maladie, inconsolable que j'étais pendant des semaines.... Jusqu'à ce que les évènements nous fassent vraiment penser à d'autres choses...

Encore plus avec un certain recul, je reste persuadé que cet animal a été mené par une force malveillante qui a ourdi tout un scénario aboutissant au déchirement final tant redouté, tout comme pour une voiture tant attachée à une famille en lui ayant donné tant de bonheur, le fait d'avoir été jetée comme ça à transporter chèvres et poules...

Pareil lorsque Papa s'est fait voler sa nouvelle voiture, attendue depuis des années : c'est bien là encore l'oeuvre d'un scénario déjà tout monté. Il fallait iui aussi qu'il subisse l'épreuve du déchirement !

Mais attendez, ça n'est pas encore fini sur ce chapitre hélas.......


Sacha Distel - Mon beau chapeau
  
Eddie Constantine - Dis Monsieur
  
Thierry la Fronde